Mgr Matthieu Rougé sur le synode : « Un parcours délibérément enraciné dans la Tradition de l’Église »

<p>Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre depuis 2018, a participé à la première session du Synode sur la synodalité à Rome. Il se dit émerveillé par la spontanéité et l’intensité de la fraternité partagée avec l'ensemble des membres de l'Assemblée synodale.</p>

Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre depuis 2018, a participé à la première session du Synode sur la synodalité à Rome. Il se dit "émerveillé" par la "spontanéité et l’intensité de la fraternité partagée" avec l'ensemble des membres de l'Assemblée synodale.

- © saif images

Vous qui avez participé à cette assemblée synodale, que retenez-vous du mois qui vient de s’écouler ?

Ce synode, que j’abordais avec une certaine appréhension, a constitué pour moi, comme pour beaucoup, une magnifique expérience d’universalité, de catholicité. La spontanéité et l’intensité de la fraternité partagée avec des évêques, mais aussi des consacrés, des prêtres et des fidèles du monde entier m’a profondément émerveillé et nourri. Je pense notamment à nos frères évêques africains avec qui la relation a été immédiatement simple et amicale : voilà qui pourrait et devrait porter du fruit pour les relations aujourd’hui parfois tumultueuses entre certains de nos pays. Il est impressionnant de voir aussi combien la catholicité horizontale, c’est-à-dire l’universalité géographique et culturelle, contribue à la catholicité verticale, c’est-à-dire l’enracinement de tous dans la Révélation reçue du Seigneur.

L’ouverture du diaconat aux femmes est-elle, selon vous, l’avancée la plus significative proposée par les membres du synode ?

Votre question ne coïncide pas avec le texte du rapport de synthèse : sur ce point, le synode n’a précisément pas formulé de recommandation mais énoncé les termes d’un débat qui doit s’approfondir. Certains pensent que le diaconat féminin « rétablirait une pratique de l'Église primitive » et répondrait « aux signes des temps ». D’autres, dit le rapport, « considèrent que cette démarche serait inacceptable car elle serait en discontinuité avec la Tradition » et « craignent que cette demande ne soit l'expression d'une dangereuse confusion anthropologique, en acceptant que l'Église s'aligne sur l'esprit du temps ». On a rarement exprimé ces objections avec une telle vigueur dans un texte officiel.

Trop peu de fidèles se sont investis dans le processus synodal, regrette le document de synthèse… Les onze mois qui nous séparent de la deuxième assemblée synodale permettront-ils aux catholiques de faire entendre leurs voix ?

Beaucoup de fidèles, dans le monde entier, se sont bel et bien impliqués dans le travail préparatoire proposé par le Pape. Mais d’autres n’en ont pas vu l’importance ou l’utilité. Il est décisif que tous puissent s’exprimer à la fois librement et paisiblement, comme – je puis en témoigner – nous l’avons fait dans la salle du synode. Certains redoutaient une sorte de réinvention administrative de l’Église : comme le dit l’introduction du rapport de synthèse, le parcours engagé est délibérément « enraciné dans la Tradition de l'Église ». Je me réjouis de l’enracinement christologique et sacramentel qui s’est précisé grâce à nos travaux.

Le document de synthèse parait prudent sur certains points particulièrement scrutés. Ainsi, le terme « LGBT » qui figurait dans le document de travail ne l’est pas dans le document de synthèse. Les membres de l’assemblée synodale ont-ils été attentifs aux inquiétudes de certains fidèles ?

Le rapport de synthèse manifeste qu’il a été estimé plus ajusté de parler des personnes que des catégories. Conjuguer en toute circonstance l’amour et la vérité, ce qui constitue à la fois une grâce et un défi, passe par la prise au sérieux de chaque personne, dans sa beauté, son histoire, ses combats, sans jamais la réduire à quelque étiquette que ce soit.

Le document de synthèse pousse à mettre en place une culture du « rendre des comptes » dans l’Église. Cela est peut-être symbolisé par la création d’un « conseil presbytéral » dans chaque diocèse. L’essentiel du synode n’est-il pas de changer le mode de gouvernance de l’Église ?

Les « conseils presbytéraux », déjà obligatoires dans le droit canonique, existent et fonctionnent déjà de façon souvent féconde dans tous les diocèses. C’est sur les « conseils diocésains de pastorale « et les « conseils épiscopaux » que le synode a recommandé au Pape – puisqu’il ne s’agit que de recommandations confiées à son discernement – que le droit soit prescriptif. Je dois dire que je souhaite à tous les évêques de pouvoir s’appuyer, comme je le fais avec bonheur, sur un conseil épiscopal constitué de laïcs, hommes et femmes, diacres, consacrées et prêtres. Au moment où nous nous quittions, un évêque, étonné de cette manière de faire inconnue dans son pays, m’a dit qu’il allait tenter cet élargissement. Ce partage fraternel et opérationnel est une belle expression de synodalité !

Propos recueillis par Cyriac Zeller