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Espérance : Pâques ou le mystère de la vie

TRIBUNE. La révélation pascale éclaire les débats contemporains sur l’IVG et la fin de vie, explique l’évêque de Nanterre, Monseigneur Rougé, qui rappelle la fragilité de l’existence humaine.

Monseigneur Matthieu Rougé , Mis à jour le
Monseigneur Matthieu Rougé, évêque de Nanterre et membre de la Conférence des évêques de France.
Monseigneur Matthieu Rougé, évêque de Nanterre et membre de la Conférence des évêques de France. © Stéphane Ouzounoff

Tout a commencé par l’arrivée inattendue d’un enfant. L’annonce de sa naissance aurait pu faire voler en éclat le projet de mariage de ses parents seulement fiancés. Aujourd’hui sans doute, on les aurait incités, avec la bénédiction – si l’on peut dire – des pouvoirs publics, à ne pas le garder. Et cet enfant, né dans la plus grande précarité en raison de la brutalité d’une occupation étrangère, a été la plus grande chance de l’humanité. Celui à partir de qui tout redémarre, la source d’une espérance.

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Tout a semblé s’achever par une fin de vie particulièrement douloureuse. Jésus de Nazareth, puisque c’est évidemment de lui qu’il s’agit, condamné injustement à l’un des supplices les plus atroces qui soient a été abandonné par la plupart ses proches. On veut même prolonger ses souffrances par un acharnement maléfique : la boisson vinaigrée dont on abreuvait les crucifiés était destinée à faire durer leur progressif étouffement. Jésus, nous rapporte l’Évangile selon saint Matthieu, refuse de boire : il veut aller jusqu’au bout de sa vie, il assume son ultime fragilité mais sans s’accrocher déraisonnablement à son existence terrestre.

Tout est dit en quelque sorte du débat contemporain sur la fin de vie dans les dernières pages de l’Évangile : la nécessité impérieuse de soins et de présences attentives et affectueuses auprès de ceux qui s’approchent du terme de leur parcours terrestre, comme en témoignent Véronique, Simon de Cyrène ainsi que Marie et Jean au pied de la Croix. Le caractère décisif des derniers moments de la vie se manifeste dans les paroles de Jésus, son ultime testament, ces « sept paroles du Christ en Croix » mises en musique par Hayden ou par Franck.

Pâques n’est ni un folklore suranné ni d’abord une aubaine pour les chocolatiers. C’est la révélation la plus contemporaine qui soit de la beauté, du prix de la vie, même terriblement fragilisée. Cette révélation touche la profondeur du cœur humain, comme le met en lumière le nombre croissant de jeunes et d’adultes qui demandent le baptême en dépit de tout ce qui pourrait les en dissuader dans le temps présent. Cette révélation rejoint l’humanité même non croyante, comme le manifeste l’engagement de non chrétiens et même de non croyants en faveur du respect de la vie jusqu’à son terme naturel.

On peut certes considérer l’être humain comme une réalité purement matérielle, un amas de cellules, un ensemble de réactions électriques et chimiques, « un robot comme les autres », comme le suggèrent certains matérialistes convaincus ou provocateurs. S’il n’y a que la matière en effet, tout est anodin, le surgissement de la vie comme sa fin, rien ne mérite d’être honoré ou défendu.

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Mais la conscience morale et l’élan éthique ne se laissent pas si facilement réduire au silence. La littérature comme le droit, les arts en général, la créativité technologique elle-même témoignent en faveur de l’esprit. Vivre c’est être donné à soi-même. Mourir, c’est parvenir au terme d’une trajectoire. On ne porte pas atteinte impunément à la profondeur de la vie. Certains voudraient qu’il n’y ait aucune limite à l’autonomie des individus singuliers : c’est oublier que toute existence est relationnelle et que le choix des uns en réalité impacte nécessairement les autres.

La fête de Pâques manifeste que l’amour qui protège la vie donne sens aux situations les plus inextricables

Pâques, accueilli dans la foi ou même comme une réalité seulement culturelle, dans le beau sens de cet adjectif riche de profondeur humaine, manifeste la puissance de l’amour pour faire face à la souffrance et à la mort. Chacun est habité par des images et des souvenirs de vies fragilisées : des morts paisibles ou des morts douloureuses, parfois par manque de soins palliatifs disponibles. Certains ont vu des familles assumer la part de handicap de l’un des leurs, d’autres des parents très désemparés face à la situation d’enfants pas assez bien pris en charge par la collectivité.

Pour moi, la vie a cette année le visage d’un jeune homme décédé seize ans après la perte brutale, en raison d’une maladie neurodégénérative foudroyante et quasi orpheline, de l’essentiel de ses capacités d’autonomie et de relation. Grâce à sa mère en particulier, grâce à des équipes soignantes, grâce à un grand nombre d’amis spontanément fédérés par l’épreuve de ce jeune homme, cette vie a été pleine de sens et de fécondité. La fête de Pâques manifeste que l’amour qui protège la vie donne sens aux situations les plus inextricables. Ne laissons pas le non-sens l’emporter.

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