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Pourquoi le dialogue interreligieux ?


Le 22 décembre 1986, le pape Jean-Paul II a reçu les cardinaux et les membres de la Curie romaine pour la présentation traditionnelle des vœux de Noël. Il a saisi cette occasion pour parler de la véritable signification qu’a pour l’Église la Journée de prière qui avait eu lieu à Assise le 27 octobre précédent et qui avait suscité de vives réactions dans l’Église et dans le monde. Nous présentons ici l’intégralité du discours du Pape.
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Dialogue interreligieux
Dans l’esprit d’Assise

Le 22 décembre 1986, le pape Jean-Paul II a reçu les cardinaux et les membres de la Curie romaine pour la présentation traditionnelle des vœux de Noël. Il a saisi cette occasion pour parler de la véritable signification qu’a pour l’Église la Journée de prière qui avait eu lieu à Assise le 27 octobre précédent et qui avait suscité de vives réactions dans l’Église et dans le monde. Nous présentons ici l’intégralité du discours du Pape.

1. C’est avec une joie particulière que je vous salue en cette rencontre traditionnelle qui nous voit réunis pour échanger mutuellement les vœux de Noël et du Nouvel An. Je remercie le nouveau cardinal doyen du Sacré-Collège pour les nobles paroles par lesquelles il a interprété les sentiments que suggère ce moment d’intimité familière.

En ces jours qui précèdent immédiatement la grande fête de Noël, au cours de laquelle nous célébrons et commémorons ensemble le Verbe de Dieu, vie et lumière des hommes (cf. Jean 1, 4), qui pour nous “s’est fait chair et est venu habiter parmi nous” (Jean 1, 14), mon esprit revit spontanément avec vous, vénérables et chers frères de la Curie romaine, ce qui semble avoir été l’événement religieux le plus suivi dans le monde en cette année qui est en train de s’achever ; la Journée mondiale de prière pour la paix à Assise, le 27 octobre dernier.

En cette Journée, en effet, et dans la prière qui en était le motif et l’unique contenu, semblait s’exprimer pour un instant, même de manière visible, l’unité cachée mais radicale que le Verbe divin, “dans lequel tout a été créé et dans lequel tout subsiste” (Colossiens 1, 16 ; Jean 1, 3), a établie entre les hommes et les femmes de ce monde, ceux qui maintenant partagent ensemble les angoisses et les joies de cette fin du XXe siècle, mais aussi ceux qui ont précédés et ceux qui prendront notre place “jusqu’à ce que vienne le Seigneur” (cf. 1 Corinthiens 11, 26). Le fait d’être réunis à Assise pour prier, jeûner et cheminer en silence – et cela pour la paix toujours fragile et toujours menacée, peut-être aujourd’hui plus que jamais – a été comme un signe clair de l’unité profonde de ceux qui cherchent dans la religion des valeurs spirituelles et transcendantes en réponse aux grandes interrogations du cœur humain, malgré les divisions concrètes (cf. Nostra ætate, 1).

2. Cet événement me paraît d’une si grande portée qu’il nous invite par lui-même à une réflexion approfondie pour en éclairer toujours mieux la signification à la lumière de la commémoration désormais imminente de l’incarnation du Fils éternel de Dieu.

Il est en effet évident que nous ne pouvons nous contenter du fait lui-même et de la réussite de sa réalisation. Certes, la Journée d’Assise encourage tous ceux dont la vie personnelle et communautaire est guidée par une conviction de foi à en tirer les conséquences sur le plan d’une conception approfondie de la paix et, d’une nouvelle manière, à s’engager pour elle. Mais en outre et peut-être principalement, cette Journée nous invite à une “lecture” de ce qui est arrivé à Assise et de son intime signification, à la lumière de notre foi chrétienne et catholique. La clé appropriée de lecture pour un si grand événement jaillit en effet de l’enseignement du Concile Vatican II qui associe de manière admirable la fidélité rigoureuse à la révélation biblique et à la tradition de l’Église, avec la conscience des besoins et des inquiétudes de notre temps, exprimés dans tant de “signes éloquents” (cf. Gaudium et spes, 4s.).

La mission de l’Église et l’unité du genre humain

3. Plus d’une fois, le Concile a mis en relation l’identité même et la mission de l’Église avec l’unité du genre humain, spécialement lorsqu’il a voulu définir l’Église “comme sacrement, c’est-à-dire comme signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain” (Lumen gentium 1,9 ; cf. Gaudium et spes, 42).

Cette unité radicale qui appartient à l’identité même de l’être humain se fonde sur le mystère de la création divine. Le Dieu un dans lequel nous croyons, Père, Fils et Saint-Esprit, Trinité très sainte, a créé l’homme et la femme avec une attention particulière, selon le récit de la Genèse (cf. Genèse 1, 26 ss. ; 2, 7, 18-24). Cette affirmation contient et communique une profonde vérité : l’unité de l’origine divine de toute la famille humaine, de tout homme et de toute femme, qui se reflète dans l’unité de l’image divine que chacun porte en lui (cf. Gn 1, 26), et oriente par elle-même à une fin commune (cf. Nostra aetate, 1). “Tu nous as faits pour toi, Seigneur, s’exclame saint Augustin, dans la plénitude de sa maturité de penseur, et notre cœur est inquiet tant qu’il ne repose pas en toi”. (Conf., 1). La constitution dogmatique Dei Verbum déclare que “Dieu, qui crée et conserve toutes choses par son Verbe, offre aux hommes dans les choses créées un témoignage incessant sur lui-même… et il a pris un soin constant du genre humain pour donner la vie éternelle à tous ceux qui, par la fidélité dans le bien, recherchaient le salut” (Dei Verbum, 3).

C’est pourquoi, il n’y a qu’un seul dessein divin pour tout être humain qui vient en ce monde (cf. Jean 1, 9), un principe et une fin uniques, quels que soient la couleur de sa peau, l’horizon historique et géographique dans lequel il vit et agit, la culture dans laquelle il a grandi et dans laquelle il s’exprime. Les différences sont un élément moins important par rapport à l’unité qui, au contraire, est radicale, fondamentale et déterminante.

L’Église, ministre et instrument de l’unité du créé

4. Le dessein divin, unique et définitif, a son centre en Jésus Christ, Dieu et homme “dans lequel les hommes trouvent la plénitude de la vie religieuse et en qui Dieu s’est réconcilié toutes choses” (Nostra aetate, 2). Comme il n’y a pas d’homme ou de femme qui ne portent en eux le signe de leur origine divine, de même il n’y a personne qui ne puisse demeurer en dehors et en marge de l’œuvre de Jésus-Christ, “mort pour tous”, et donc “sauveur du monde” (cf. Jean 4, 42). “Nous devons en effet retenir que l’Esprit-Saint donne à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal” (Gaudium et spes, 22).

Comme on le dit dans la première Épître à Timothée, Dieu “veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi est le médiateur entre Dieu et les hommes” (2, 4-6).

Ce mystère éclairant de l’unité du genre humain dans sa création et de l’unité de l’œuvre salvifique du Christ qui porte avec lui la naissance de l’Église, comme ministre et instrument, s’est manifesté clairement à Assise, malgré les différences des professions religieuses, en rien cachées ou atténuées.

Le grand dessein qui préside à la création

5. À la lumière de ce mystère, les différences de tout genre, et en premier lieu les différences religieuses, dans la mesure où elles sont réductrices du dessein de Dieu, se révèlent en effet comme appartenant à un autre ordre. Si l’ordre de l’unité est celui qui remonte à la création et à la rédemption et s’il est donc, en ce sens, “divin”, ces différences et ces divergences, même religieuses, remontent plutôt à un “fait humain”, et doivent être dépassées dans le progrès vers la réalisation du grandiose dessein d’unité qui préside à la création. Il y a certes des différences dans lesquelles se reflètent le génie et les “richesses” spirituelles donnés par Dieu aux nations (cf. Ad gentes, 11). Ce n’est pas à elles que je me réfère. J’entends ici faire allusion aux différences dans lesquelles se manifestent les limites, les évolutions et les chutes de l’esprit humain tenté par l’esprit du mal dans l’histoire (Lumen gentium, 16).

Les hommes peuvent souvent ne pas être conscients de leur unité radicale d’origine, de destin et d’insertion dans le plan même de Dieu et, lorsqu’ils professent des religions différentes et incompatibles entre elles, ils peuvent même ressentir leurs divisions comme insurmontables, mais, malgré cela, ils sont inclus dans le grand et unique dessein de Dieu, en Jésus-Christ, qui “s’est uni d’une certaine manière à tous les hommes” (Gaudium et spes, 22), même si ceux-ci n’en sont pas conscients.<p<

Appelés à former le nouveau Peuple de Dieu

6. Dans ce grand dessein de Dieu sur l’humanité, l’Église trouve son identité et sa tâche de “sacrement universel de salut” en étant précisément “signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain” (Lumen gentium, 1). Cela signifie que l’Église est appelée à travailler de toutes ses forces (l’évangélisation, la prière, le dialogue) pour que disparaissent entre les hommes les fractures et les divisions qui les éloignent de leur principe et fin et qui les rendent hostiles les uns aux autres. Cela signifie que si le genre humain tout entier, dans l’infinie complexité de son histoire, avec ses cultures différentes, est “appelé à former le nouveau Peuple de Dieu” (Lumen gentium, 13) dans lequel se guérit, se consolide et s’élève l’union bénie de Dieu avec l’homme et l’unité de la famille humaine : “Tous les hommes sont donc appelés à cette unité catholique du Peuple de Dieu, qui préfigure et promeut la paix universelle et à laquelle appartiennent sous diverses formes ou sont ordonnés et les fidèles catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle au salut” (ibid).

Découvrir et respecter les semences du Verbe

7. L’unité universelle fondée sur l’événement de la création et de la rédemption ne peut pas ne pas laisser une trace dans la vie réelle des hommes, même de ceux qui appartiennent à des religions différentes. C’est pourquoi, le Concile a invité l’Église à respecter les semences du Verbe présentes dans ces religions (Ad gentes, 11) et il affirme que tous ceux qui n’ont pas encore reçu l’Évangile sont “ordonnés” à l’unité suprême de l’unique Peuple de Dieu à laquelle appartiennent déjà par la grâce de Dieu et par le don de la foi et du baptême tous les chrétiens avec qui les catholiques “qui conservent l’unité de la communion sous le Successeur de Pierre”, savent qu’ils “sont unis pour de multiples raisons” (cf. Lumen gentium, 15).

C’est précisément la valeur réelle et objective de cette “ordinatio” à l’unité de l’unique Peuple de Dieu, souvent cachée à nos yeux, qui a pu être reconnue dans la Journée d’Assise, et dans la prière avec les représentants chrétiens, c’est la profonde communion qui existe déjà entre nous dans le Christ et dans l’Esprit, vivante et agissante, même si elle est encore incomplète, qui a eu l’une de ses manifestations particulières. L’événement d’Assise peut ainsi être considéré comme une illustration visible, une leçon de choses, une catéchèse intelligible à tous de ce que présuppose et signifie l’engagement œcuménique et l’engagement pour le dialogue interreligieux recommandé et promu par le Concile Vatican II.

Relations avec le peuple juif, avec les musulmans et ceux qui “cherchent un Dieu inconnu”

8. Comme source inspiratrice et comme orientation fondamentale pour un tel engagement, il y a toujours le mystère de l’unité, aussi bien celle qui est déjà atteinte dans le Christ par la foi et le baptême que celle qui s’exprime dans “l’ordination” au peuple de Dieu et donc encore à atteindre pleinement.

Tandis que la première trouve son expression adéquate et toujours valable dans le Décret Unitatis redintegratio sur l’œcuménisme, la seconde se trouve formulée, sur le plan de la relation et du dialogue interreligieux, dans la Déclaration Nostra aetate, et tous les deux sont à lire dans le contexte de la Constitution Lumen gentium.

C’est dans cette seconde dimension, encore assez nouvelle par rapport à la première, que la Journée d’Assise nous fournit de précieux éléments de réflexion qui se trouvent éclairés par une lecture attentive de la Déclaration en question sur les religions non chrétiennes.

Ici aussi, on parle de “l’unique communauté” que forment les hommes en ce monde (n. 1), et cette communauté s’explique comme le fruit de “l’unique origine” commune, “puisque Dieu a fait habiter le genre humain tout entier sur toute la face de la terre” (ibid) pour qu’il s’achemine vers “une seule fin dernière, Dieu, dont la Providence, les témoignages de bonté et les desseins de salut s’étendent à tous, jusqu’à ce que les élus soient réunis dans la Cité sainte que la gloire de Dieu illuminera et où tous les peuples marcheront dans sa lumière” (ibid).

Dans les paragraphes suivants, la Déclaration nous enseigne à apprécier les différentes religions non chrétiennes à l’intérieur de ce cadre général où s’enracine notre unité, mais aussi en soulignant les valeurs authentiques qui les caractérisent dans leur effort pour répondre “aux énigmes obscures de la condition humaine” (ibid) et en voulant voir dans cet effort “un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes” (n. 2). Ainsi “l’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions et elle exhorte même ses fils pour que, avec prudence et charité…, tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en elles” (ibid).

Ce faisant, l’Église se propose avant tout de reconnaître et de respecter cette “ordination” au Peuple de Dieu dont parle Lumen gentium (n. 16) et à laquelle je viens de me référer. Quand elle agit de cette manière, elle est donc consciente de suivre une indication divine parce que c’est le Créateur et Rédempteur qui, dans son dessein d’amour, a disposé cette mystérieuse relation entre les hommes et les femmes religieux et l’unité du Peuple de Dieu.

Il y a avant tout une relation avec le peuple juif, “ce peuple qui reçut les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair” (Lumen gentium, 16), qui nous est uni par un “lien” spirituel (cf. Nostra aetate, 2). Mais il y a également une relation avec “ceux qui reconnaissent le Créateur et, parmi ceux-ci en premier lieu les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham et qui adorent avec nous un Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour” (Lumen gentium, 16). Et il y a encore une relation avec ceux qui “cherchent un Dieu inconnu dans les ombres et sous des images” et dont “Dieu lui-même n’est pas loin” (cf. Lumen gentium, 19).

Identité et conscience de l’Église catholique

9. En présentant l’Église catholique qui tient par la main ses frères chrétiens et ceux-ci tous ensemble qui donnent la main aux frères des autres religions, la Journée d’Assise a été comme une expression visible de ces affirmations du Concile Vatican II. Avec elle et par elle, nous avons réussi, grâce à Dieu, à mettre en pratique, sans aucune ombre de confusion ni de syncrétisme, cette conviction qui est la nôtre, inculquée par le Concile, sur l’unité de principe et de fin de la famille humaine et sur le sens et la valeur des religions non chrétiennes.

La Journée ne nous a-t-elle pas enseigné à relire, à notre tour, avec des yeux plus ouverts et plus pénétrants, le riche enseignement conciliaire sur le dessein salvifique de Dieu, le caractère central de ce dessein en Jésus-Christ et la profonde unité dont il part et vers laquelle il tend à travers la diaconie de l’Église ? L’Église catholique s’est manifestée à ses fils et au monde dans l’exercice de sa fonction de “promouvoir l’unité et la charité entre les hommes, et même entre les peuples” (Nostra aetate, 1).

En ce sens, on doit encore dire que l’identité même de l’Église catholique et la conscience qu’elle a d’elle-même ont été renforcées à Assise. L’Église, en effet, c’est-à-dire nous-mêmes, nous avons mieux compris, à la lumière de l’événement, quel est le vrai sens du mystère d’unité et de réconciliation que le Seigneur nous a confié et qu’il a exercé en premier lorsqu’il a offert sa vie “non seulement pour le peuple mais aussi pour réunir les fils de Dieu qui étaient dispersés” (Jean 11, 52).

Un ministère essentiel exercé de différentes manières

10. L’Église exerce ce ministère essentiel qui est le sien de différentes manières : par l’évangélisation, l’administration des sacrements et la conduite pastorale par le Successeur de Pierre et les évêques, par le service quotidien des prêtres, des diacres, des religieux et des religieuses, par l’effort et le témoignage des missionnaires et des catéchistes, par la prière silencieuse des contemplatifs et la souffrance des malades, des pauvres et des opprimés, et par tant de formes de dialogue et de collaboration des chrétiens pour réaliser l’idéal des Béatitudes et promouvoir les valeurs du Royaume de Dieu.

L’Église a également exercé ce ministère à Assise, d’une manière inédite si l’on veut, mais qui n’est pas moins efficace et moins engageante pour cela, comme cela été reconnu par nos hôtes qui ont exprimé leur joie et exhorté à continuer sur la route commencée. Par ailleurs, comme nous le voyons, la situation du monde en cette veille de Noël est en elle-même un appel pressant à retrouver et à maintenir toujours vivant l’esprit d’Assise comme motif d’espérance pour l’avenir.

La valeur unique de la prière de tous pour la paix dans le monde

11. Là, on a découvert, de manière extraordinaire, la valeur unique qu’a la prière pour la paix et même que l’on ne peut obtenir la paix sans la prière, et la prière de tous, chacun dans sa propre identité et dans la recherche de la vérité. C’est en cela qu’il faut voir, à la suite de ce que nous venons de dire, une autre manifestation admirable de cette unité qui nous lie au-delà des différences et des divisions de toutes sortes. Toute prière authentique se trouve sous l’influence de l’Esprit “qui intercède avec insistance pour nous car nous ne savons que demander pour prier comme il faut”, mais Lui prie en nous “avec des gémissements inexprimables et Celui qui scrute les coeurs sait quels sont les désirs de l’Esprit” (Rm 8, 26-27). Nous pouvons en effet retenir que toute prière authentique est suscitée par l’Esprit Saint qui est mystérieusement présent dans le cœur de tout homme.

C’est ce que l’on a également vu à Assise : l’unité qui provient du fait que toute personne est capable de prier, c’est-à-dire de se soumettre totalement à Dieu et de se reconnaître pauvre devant lui. La prière est un des moyens pour réaliser le dessein de Dieu parmi les hommes (cf. Ad gentes, 3).

Il a été rendu manifeste de cette manière que le monde ne peut pas donner la paix (cf. Jn 14, 27), mais qu’elle est un don de Dieu et qu’il faut l’obtenir de lui par la prière de tous.

Un témoignage devant le monde de l’engagement commun pour la paix

12. En vous proposant à vous, messieurs les cardinaux, archevêques, évêques et membres de la Curie romaine, ces réflexions sur l’extraordinaire événement qui s’est déroulé à Assise le 27 octobre dernier, je voudrais avant tout que cela soit une aide pour mieux nous préparer à recevoir encore une fois ce Verbe en qui “toutes choses ont été créées” (cf. Jean 1, 3) et par qui tous les hommes sont appelés à “avoir la vie et à l’avoir en abondance” (Jn 10, 10), ce Verbe divin qui “a voulu habiter parmi nous” (cf. Jean 1, 14) et qui, par sa venue, sa mort et sa résurrection a voulu “récapituler en lui toutes choses, celles du ciel et celles de la terre” (cf. Hébreux 1, 10).

À lui qui, “par l’incarnation s’est uni d’une certaine manière à tout homme” (Gaudium et spes, 22), je voudrais encore confier la suite à donner à la Journée d’Assise et aux engagements que, dans ce but, tous, dans l’Église, nous devrons assumer ou que nous sommes déjà en train d’assumer pour répondre à la vocation fondamentale de l’Église parmi les hommes qui est d’être “sacrement de rédemption universelle” et “germe incorruptible d’unité et d’espérance pour toute l’humanité” (Lumen gentium, 9).

Je suis certain que vous tous, collaborateurs de la Curie romaine, vous êtes profondément conscients de cette mission. Je vous remercie de tout cela et aussi pour l’aide irremplaçable que vous m’offrez, jour après jour, dans le service de l’Église universelle, avec les représentants pontificaux dans les différents pays du monde.

13. Et tandis que je présente à tous mes vœux les plus fervents de Noël, je voudrais renouveler l’expression de ma reconnaissance à tous ceux qui, acceptant mon invitation, non sans difficultés et incommodités, nous ont, par leur exemple, poussés non seulement à rendre témoignage devant le monde de l’engagement commun pour la paix, mais aussi à réfléchir sur le mystère de l’œuvre de Dieu dans le monde, à laquelle nous voulons tous collaborer et dont nous nous apprêtons à célébrer dans la nuit de Noël, sous le regard maternel de Marie, le sommet dans la plénitude des temps.

Traduction par la DC du texte italien publié dans l’Osservatore Romano des 22-23 décembre 1986 (voir DC 1987, n° 1933, p. 133-136).


Résumé

La Rencontre d’Assise est le signe de l’unité établie par le Verbe de Dieu entre tous les hommes. La signification profonde de cet événement se comprend mieux quand on y réfléchit à la lumière de l’enseignement de Vatican II. En effet, les documents du Concile soulignent les liens étroits qui existent entre cette unité à laquelle les hommes aspirent et les grands mystères de la foi chrétienne – la création divine, l’Incarnation, le Mystère pascal, l’Église du Christ – qui la manifestent et la rendent accessible. L’unité du genre humain, qui fait partie du dessein de Dieu, se perçoit dans la vie des hommes et se reflète de manière particulière dans leurs religions. L’Église respecte ces traces (semences du Verbe) sans pour autant perdre de vue sa propre identité et la responsabilité qu’elle a d’annoncer l’Évangile. Elle affirme aussi la valeur unique de la prière de chacun puisque la prière authentique est toujours suscitée par le l’Esprit Saint qui est présent dans le cœur de tout homme.

Mise en perspective

Dans ce discours, le pape Jean-Paul II a répondu à la fois aux critiques de l’initiative qu’il avait prise en invitant les responsables des traditions non chrétiennes à Assise, et à ceux qui ont donné une interprétation trop laxiste à cette invitation. Ce document, en tant que lecture théologique faite par le Pape de l’événement d’Assise, est devenu un des textes fondamentaux pour toutes les discussions concernant le sens de l’engagement de l’Église

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