Obsèques du P.Marc Ketterer – 3.01.2025
Homélie de Mgr Matthieu Rougé lors des obsèques du P.Marc Ketterer en 2025.
3 minutes de lecture
Le P. Marc était particulièrement heureux de la crèche missionnaire réalisée cette année avec les paroissiens de Montrouge : les méandres d’un couloir de toile, jalonnés par l’évocation des premiers mystères joyeux, pour parvenir à une crèche imposante et à l’adoration du Seigneur. Voilà bien l’histoire de sa vie, l’histoire de nos vies : les méandres de nos parcours humains, familiaux, amicaux, ecclésiaux, spirituels pour parvenir, avec la grâce de Dieu, jusqu’à l’adoration éternelle du Seigneur. Ce qui jalonne, oriente et réoriente sans cesse les méandres de vos vies, baptismales comme sacerdotales, Marc l’a abondamment mis en lumière, c’est en particulier la Parole de Dieu, qui s’accomplit dans les sacrements, et le témoignage des saints.
Les textes que nous venons d’entendre sont ceux, en ce 3 janvier, de la solennité de sainte Geneviève, patronne de notre diocèse et de notre cathédrale, à l’ombre de laquelle Marc a accompli ses premiers pas dans le ministère presbytéral. Ils résonnent avec une force particulière par la vie du P. Marc pour nous ce matin. « Mon épouse infidèle, dit Dieu par le prophète Osée, je vais l’entraîner au désert, et je lui parlerai cœur à cœur » : oui, dans le désert de nos vies blessées, Dieu parle, Dieu nous parle, et sa parole rejoint le plus profond des cœurs, y semant l’espérance, la lumière et la paix. « Nous savons, nous dit saint Jean dans sa première lettre, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères » : l’amour véritable est mort et résurrection, mort à nous-mêmes et résurrection pour les autres, par le Christ, avec lui et en lui, comme nous le célébrons en chaque eucharistie pour en vivre de manière toujours plus authentique. « Marthe avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole » : nous avons eu un frère, Marc, qui s’est mis à l’écoute du Seigneur et a cherché, alors que le monde s’agite tellement, à nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, parole de vie et de vérité. Nous sommes bouleversés de la mort si brusque de Marc. Mais avec Jésus, le P. Marc lui-même nous dit : « ne soyez pas bouleversés, je pars vous préparer une place ». Voilà pourquoi nous pouvons prier en toute confiance avec le psaume : « Garde mon âme dans la paix, près de toi Seigneur ».
Nos vies sont éclairées par la Parole de Dieu et par le témoignage des saints, en qui cette Parole trouve une incarnation de surcroît. Nous savons combien le P. Marc était attaché à la figure de saint Charles de Foucauld (nous avons participé ensemble à sa canonisation) : Charles de Foucauld, l’homme à la jeunesse cabossée saisi une fois pour toutes par le mystère de la miséricorde et de l’eucharistie s’épanouissant en fruits de fraternité. Le P. Marc a été le curé de la paroisse Saint-François-de-Sales à Clamart et le recteur de la Maison Saint-François-de-Sales à Boulogne : malgré les aspérités de son tempérament, Marc voulait vivre de la charité pastorale incomparable du saint évêque de Genève. Le P. Marc a été le curé de Sainte-Madeleine du Plessis-Robinson : Marie-Madeleine, « l’apôtre des Apôtres », premier témoin de la Résurrection, a été une inspiratrice du zèle missionnaire dont Marc voulait voir brûler sa paroisse. Le P. Marc a été le curé de l’Immaculée Conception et de Sainte-Thérèse à Boulogne : Marie est la mère de l’espérance dont Marc a cherché à ouvrir le chemin, en particulier pour les couples en espérance d’enfants ; et sainte Thérèse a promis de passer son ciel à faire du bien sur la terre, avec ce sens de la communion des saints que j’avais chargé Marc de diffuser dans le diocèse en le nommant responsable diocésain de la pastorale du deuil. La Vierge Marie, sainte Geneviève, saint Charles-de-Foucauld, saint François de Sales, saint Marie-Madeleine, sainte Thérèse de Lisieux, sans oublier saint Luc, saint Joseph, sainte Joséphine Bakhita et bien-sûr saint Marc : voilà la litanie des témoins qui ont accompagné Marc et qu’il continue de nous proposer comme guides pour notre propre route.
***
Je n’oublie pas saint Jacques : Marc était particulièrement heureux d’être le curé d’une étape sur le chemin de Santiago, évoqué par les si nombreuses coquilles qui ornent les vitraux de cette église hors-norme et sont semées sur le pavement qui l’ouvre sur la ville (et je n’oublie pas non plus l’initiative de « la fête de la coquille »). Les pèlerinages à Rome, en Terre Sainte, à Compostelle sont comme une évocation et une préparation du pèlerinage par excellence, le pèlerinage vers la vie éternelle que constitue l’existence humaine. De manière douloureuse, certes, mystérieuse, Marc nous précède sur Le Chemin, le véritable « Camino ». Et comme les vieux pèlerins, il nous encourage, avec le cri traditionnel des Jacquets, à poursuivre notre pèlerinage : « Ultreia ! », « Plus loin ! Plus haut ! ». Oui, frères et sœurs, « Ultreia ! » : que ce soit notre manière de garder et de faire fructifier le meilleur de notre frère Marc.
+ Matthieu Rougé Evêque de Nanterre